Désenchanté [1]

[1]



-          Je suis désolée mon chéri mais… Comprends-nous, il fallait que l’on paye les cours d’escrime de ton frère.

Il était debout, face à ses parents. Les regardait. Les écoutait.

 Au milieu du salon aux lumières tamisées, à une heure tardive, assit sur le canapé, face à la cheminée éteinte, ils le lui annonçaient. Comme cela. Aussi Simplement que cela, alors que c’était tout le contraire. Ce n’était pas simple de voir son rêve s’envoler. Ce n’était pas simple, ce n’était pas rien. Pas comme ils pouvaient le croire.

-          Et puis, tu penses bien que l’avenir d’un futur champion est plus important que… le tien ? disait l’homme.

D’un bref coup d’œil, sa femme lui montrait son désaccord face à ces mots blessant. Elle afficha un sourire qui se voulait compatissant et reprit d’un ton doux.

-          N’écoute pas ton père, il plaisante. Tu sais bien que ton frère est doué et il y a de grandes chances qu’il soit recruté… Toi, ce n’est pas pareil, tu n’a aucune expérience et…

-          Se serait de l’argent gâché pour rien coupa l’homme.

-          Rien n’ai perdu de toute façon reprit la mère, tu as toute la vie devant toi pour assouvir cette… passion.

Il écoutait, regardait, assimilait mais ne comprenait pas.

Ce n’était que des excuses. Encore une fois, les désirs de son frère étaient passés avant les siens. Pourquoi avaient-ils toujours autant de mal à en parler ? Ils semblaient tous deux croire que cette ambition n’était qu’une futilité. Un caprice de môme, une folie sans intérêt. Non, c’était bien plus. Ce n’était que l’essentiel de sa vie. Ce qui lui donnait la force d’exister, de ne pas sombrer encore un peu plus.

Mais à quoi bon ?

« Je ne suis pas lui… »

Ils ne seraient jamais d’accord à ce sujet.  A aucun autre sujet d’ailleurs, tant qu’il venait de son esprit à lui. Sa mère aura beau choisir ses mots avec précision, lui donner des explications à ne plus en finir, rien ne pourra lui faire concevoir que son hobby n’était que frivole. Pourquoi ne l’écoutait-on jamais ? Pourquoi n’arrivaient-ils pas à comprendre ?

-          Emmanuel, mon chéri, tu m’écoutes ?

Il souffla plus de dépit que d’agacement. Son père comme d’habitude prit ce signe pour de l’insolence.

-          Pour une fois dans ta vie Emmanuel, ne sois pas égoïste ! s’exclama-t-il énervé.

Il n’en revenait pas d’entendre cela.

« Moi égoïste ? »

Le jeune homme osa alors relever la tête et affronter ses parents. Comment osaient-ils lui balancer ça à la figure ? Lui qui passait toujours après tout le monde ? Qui ne recevait jamais rien de leur part ? Pas même une quelconque forme d’amour si ce n’est ces mots bien amer que prononçait souvent sa mère. Des mots qui avaient depuis fort longtemps perdu de leurs saveurs.

-          Baisse les yeux.

Il fronça ses sourcils et regarda plus intensément l’homme. Qu’on lui refuse son rêve était déjà bien difficile à assimiler, mais que l’on mente à son propos, il ne pouvait pas le supporter.

-          Ce n’est pas en nous fusillant du regard que tu auras gain de cause lâcha son vis-à-vis en avançant dangereusement jusqu’à lui. Je te le répète, baisse tes yeux.

Lorsqu’il affichait cette mine, Emmanuel savait à quoi s’en tenir. Il savait qu’il s’apprêtait à affronter son père qui ne supportait pas de le voir lui tenir tête.

-          Emmanuel, s’il te plait insista sa mère dans le but d’éviter ce qui allait suivre.

Il aurait dû écouter sa mère ou même sa raison qui lui tonnait d’abandonner ce combat vain, mais non. Emmanuel était bien trop attacher au fait de ne jamais laisser quiconque mentir effrontément sur lui. Pas même son père. Qu’importe que se ne soit qu’une simple allusion erronée.

-          Je t’ai dis de baisser les yeux petit con ! Et quand je dis quelque chose, j’aime  bien être obéi, tu comprends ?

Le coup partit.

 Emmanuel se tordit sous la violence du poing qui s’était abattu dans son estomac. La  bouche ouverte, il resta quelques secondes figé. La douleur se rependait partout dans son corps. Bientôt, ses jambes le lâchèrent, il se retrouva au sol, recroquevillé sur lui-même. La main de l’homme attrapa les cheveux de l’adolescent afin de relever sa tête. Là, le visage en face du sien, il arbora ce sourire sadique. Le même qu’il avait pu voir de nombreuses fois après les colères de son père.

-          Baisse les yeux maintenant souffla-t-il à son oreille.

Emmanuel tressaillit lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de son bourreau. L’once de courage qui l’avait habité il y a quelques minutes plus tôt n’était plus. Il n’y avait plus que la peur, que lui transmettait cette figure paternelle, qui l’habitait. Tout son corps tremblait. L’homme appuya sur son ventre, des larmes lui embrouillèrent la vue et se tordant sous la douleur, il baissa les yeux en implorant le pardon à son père. Celui-ci le lâcha violement contre le sol et juste avant de quitter la pièce, il lui écrasa la main gauche de son pied et ne l’ôta qu’au bruit sec d’une fêlure. Le jeune homme hurla de douleur. Les larmes coulèrent le long de ses joues pâles avant de s’infiltrer dans le tapis qui supportait son corps meurtris.

Une main chaude passa sur son front dans une douce caresse, à travers ses larmes, Emmanuel reconnu sa mère qui s’était penché au-dessus de lui. Son visage exprimait sa douleur face au mal que ressentait son fils, pourtant, elle n’avait rien fait pour empêcher ces coups et elle ne fit rien pour le soigner. Il savait déjà  à quoi s’attendre de sa part, pourtant, il avait espéré rien qu’un instant avoir retrouvé cette mère attentionnée.

« Désir illusoire… Je ne suis pas lui alors à quoi bon espérer quelque chose de sa part ? »

A suivre...


J'ai oublié de dire que Upgrade you est en pause momentanément pour le moment ^_^
Sorry