Le jour se lève, perdure, puis tire
sa révérence pour laisser place à la nuit. Là, des millions d’étoiles transpercent les ténèbres. Un rideau noir où l’on aperçoit son opposé, plus clair, moins prononcé. Peut être le paradis, la
lumière des cieux.
Je n’ai jamais plus aimé la journée que
la nuit. Peut être parce que la nuit je vie, la proie se transforme en chasseur, alors je n’ai plus à fuir ni à me cacher. Je n’ai juste plus qu’à me laisser bercer par ma nature la plus
profonde.
Tel une créature des ténèbres, je pars à la rencontre de mes semblables. Tout
ceux à qui la vie n’est que très peu favorable. Rejets de la société, rebus de ce monde encadré par une dite « normalité », nous errons sans fin à la recherche de ce que nous appelons
communément « le paradis artificiel ». Parce que nous aussi nous avons droit à un bonheur, un semblant de bien être trouvé dans des futiles activités plus dépravantes les unes que les
autres.
Je sors de ma cage dorée emprunte d’une excitation soudaine, je pars là bas
le rejoindre. Il n’est plus question de me morfondre sur ma pauvre existence, je veux juste pouvoir tout oublier le temps d’une nuit. Demain j’aurais bien le temps de subir les
conséquences...
Je les retrouve tous, à leur place habituelle. Tous, sauf un. Toujours absent
quand il ne le faut pas. Mais à quoi pense-t-il quand je lui affirme avoir besoin de lui ? Sans doute est-il trop stone pour comprendre la porté de mes paroles. Lui qui est-il ? Juste
un type qui fait partit lot tout en le survolant largement.
Dans le genre atypique, je n’ai jamais connu mieux, ou pire, selon point de
vue. JE ne sais rien de lui mis à part ce qu’il veut bien me révéler, ce qui équivaut à rien vu qu’il m’écoute mais ne dit jamais rien d’autre que cette fichue phrase ; « Tu veux une
taffe ? » Il passe sa vie à fumer me semble-t-il. Peut être pense-t-il que la cancerette résout tous les maux. Parfois je me demande qu’il me sache réelle. La question se pose quand on
sait que s’il ne plane pas à cause de la fumette, il aire dans les méandres du monde magique que crée l’alcool.
Merde ! J’ai beau traverser de fon en comble l’avenue, les coins et
recoins les plus retirés, je ne le vois nulle part. Quel chieur !
Mes pas m’amenèrent jusqu’au pont qui longe le fleuve. La rue est déserte,
calme, propice aux rêveries. Même chaussés de basket, mes pas résonnent tels des gongs sur les damiers de pierres. Je me traîne jusqu’à l’escalier
que je dévale en marchant sur la rambarde. Tel un équilibriste, j’avance, le pas léger, fixant la surface calme de l’eau gelé. Elle est si miroitante et calme que j’ai la vague impression d’avoir
affaire à un faux. Ne serait-il qu’une arnaque de plus dans ce monde de faux semblants ? Ou es ce tout simplement mon imagination qui déborde ?
Un simple miroir verdâtre pour donner l’illusion d’un paysage, d’une nature
longtemps éteinte dans ce monde d’acier, artificiel à souhait. Vive le monde moderne !
Je ne m’y attendais plus à le rencontrer, et voilà que je le découvre adossé
très simplement au grand chêne, une jambe repliée et la cigarette au bec. J’approche sur la pointe des pieds, pourtant, il me sait présent et même s’il ne me regarde pas, sa putain de phrase
résonne à nouveau à mes oreilles : « Tu veux une taffe » ? Ce soir je n’ai pas envi de dire non, le même que je me tue à lui répéter comme il semble toujours oublier que je ne
fume pas. Je me contente de me planter devant lui. J’attends qu’il tire une taffe avant de, sur la pointe des pieds, me pencher légèrement en avant puis sans prévenir, me suspendre à ses lèvres.
Je ne me souviens pas n’avoir jamais fumé un jour et je ne pense pas à le refaire à nouveau. Ce baiser par contre, je voudrais pouvoir le refaire des millions de fois. Un étrange et agréable
mélange salivaire agrémenté d’un léger fumet de tabac poivré.
Même après cette chutte qui nous à fait tout deux nous
écraser lourdement sur le sol, nos lèvres ne se sont pas quittées et cela jusqu’à ce que je sente mon postérieur dangereusement brûler. Et rien avoir avec mon excitation ambiante. La cendre de sa
cigarette mangeait sournoisement le fin tissus de mon jogging. D’un revers de main, elle s’envola dans la légère brise qui avait auparavant dérangé un peu plus ses mèches décolorées qui cachaient
à présent ses yeux.
Quelle pulsion ! Je n’y avais même pas réfléchis. Mon cerveau ne s’était
pas déclenché comme il le fallait. Rien à faire. Je ne m’attendais pas à finir lamentablement à chercher dans son attitude une quelconque notion de ce qui allait être sa réaction. Je ne le
connais pas ce type après tout. Pas vraiment. Juste ses lèvres, sa manie de fumer, sa putain de phrase et son prénom. Du moins, ce lui qu’il a bien voulu m’avouer entre deux taffes : Jon.
Ici, tout le monde se nomme Jon. C’est juste un prénom impersonnel quand le sien n’a plus grande importance.
Jon reste au sol, il s’y installe, en tailleur. Allume une cigarette dont il
tire une longue bouffée avant de la recrachée, la tête penchée en arrière. Je le regarde faire sans broncher, me demande ce qui peut bien se tramer dans son esprit. A-t-il seulement connaissance
de la réalité des choses ? A en juger par son comportement, je dirais que non. Il n’y a que moi qui sois assez lucide dans l’affaire. A moins que ce soit moi qui divague, calfeutré entre les
quatre murs de ma chambre bien trop grande et froide. Ais-je encore bu par mégarde trop de médicaments ? Et cette voix alors que j’entends chuchoter à l’oreille « Ouvre les yeux. Ce
n’est qu’un jeu… » Imagination ou délire ? Serais-je entrain de devenir fou ? Cette perspective me fait sourire. La folie serait la meilleure solution pour mettre fin à ma vie
dénuée de sens.
- Tu rêves ?
Sa voix me sort de mes pensées. Je recule surpris par la proximité de son
visage. Ebahi par le seul fait de l’entendre dire autre chose que sa putain de phrase.
- Quoi ?
- Ne fais plus jamais ça dit-il en me regardant droit dans les yeux.
La froideur de son regard me glace tout entier er je n’ai d’autre mot à la
bouche que ce « Quoi ».
- Tu ne sais dire que ça ? Je t’ai connu plus bavard pourtant… chuchote-t-il en
recrachant de la fumée.
La voilà ma réaction, il a détesté. Oui. A quoi pouvais-je bien
m’attendre ?
- Si tu tenais tant que ça à m’embrasser, il suffisait de le dire…
- Quoi ? demandais-je incrédule.
Un autre vas et viens entre sa bouche et sa cancerette. Un autre battement de
cœur incontrôlable…
- Au moins je n’aurais pas atterrit sur le cul. Ça fait super mal ou cas où tu ne le
saurais pas.
- Quoi ?
Ce petit « quoi » n’a pas pu rester cloitrer plus longtemps dans ma
bouche. Je vais de surprises en surprises, je ne sais plus du tout quelle réaction avoir.
- Et bien alors Jon, t’as perdu ta langue ? Qu’as-tu à me regarder ainsi ? Tu
veux une taffe c’est ça ?
Non, à vrai dire, je préfèrerais une pipe, si tu vois ce que je veux
dire.
Ses yeux passent du gris glacial au gris brûlant et comme s’il avait pu
m’entendre, il balance son mégot avant de me sauter littéralement dessus.
- Eh boy… Eh Jon … chuchote-t-il contre mes lèvres entre deux baisers plus passionnés
les uns que les autres.
Ses mains glissent le long de mes cuisses, s’arrêtent au creux de mes reins
avant de reprendre leur course effrénées jusqu’à ma nuque. A chaque passage de ses caresses, je perds peu à peu toutes notions. Peu importe qu’il
fasse froid, que nous soyons en terrain non approprié, je me laisse embarqué dans ce tourbillon sensuelle. Abats tee-shirt et tout obstacles à nos corps et donc à l’assouvissement de notre
passion.
L’un contre l’autre, nos corps en ébullition se parcours, se découvrent, se
délectent l’un de l’autre. Je me laisse dominer, guider par ses mains expertes, découvrant gourmand les délices d’un rapport entre hommes et je dois avouer que j’adore. Je n’aurais jamais pensé
pouvoir autant gémir sous des coups de langues, autant aimer me sentir dans sa bouche. De longs, langoureux vas et viens qui m’excitent tellement que je ne tarde pas à me déverser dans sa bouche.
Il avale ma semence avec une gourmandise que je n’aurais pu lui soupçonner.
Sa langue contre ma peau brulante, le frottement de son érection contre la
mienne… j’ai mal d’attendre autant. Il ne semble pourtant pas pressé et joue sans cesse de son corps contre le mien, me faisant espérer…
- Qui es tu Jon ? Que veux-tu Jon ?
Me souffle-t-il à l’oreille
dans de petits gémissements simulés, ce qui n’a pour effet que de m’exciter un peu plus.
Je me sens tout à coup si léger, presque absent de la scène présente. Que se
passe-t-il donc ?
Jon à arrêté tout mouvement. Couché au dessus de moi, il m’observe, un
sourire désolé sur les lèvres.
- Embrasse moi soufflais-je.
Il ne se fait pas prier, je passe mes bras autour de son cou et le serre très
fort contre moi. Nos lèvres se joignent, s’entremêlent. Passionnément, passablement, à la folie, pas du tout…
« Ouvre les yeux. Ce n’est qu’un jeu. »
Je sais. J’essais de le garder le plus longtemps possible mais comme
toujours… Mes larmes roulent sur mes joues. Il s’évapore dans un dernier baiser.
« Monsieur Doe ? Monsieur Jon Doe ? »
Noir. Blanc. Noir. Blanc. Un visage. Je sursaute, recule me replie sur
moi.
Draps blancs, soyeux, lit gigantesque, pièce immense… Je suis dans ma chambre
froide et impersonnelle.
Une odeur de cigarette règne dans la pièce. Je cherche des yeux le fautif et
le retrouve bien vite assit sur le rebord de la fenêtre. Se sentant observé, il tourne la tête vers moi et c’est dans un sourire qu’il me demande : « Tu veux une
taffe ? »
- Une pipe je préfèrerais répondis-je en lui rendant son sourire.
La nicotine est mauvaise pour la santé, pas le sexe…